Bribes d’ici et d’ailleurs, observations au fil du train, gribouillis de mots dans un coin de l’application “notes”.
30.01.2025
Campagne endormie
Trempée dans le givre
Les arbres sont
Comme des vieilles gens
Au bras noueux
Figés
Tout est figé
Sauf la cloche
Que l’on entend
Mais que l’on ne voit bouger
Fulgurant souvenir
De petites ganaches
Alcoolisées
Dans leur cocon
Hérissé
Leur paquet d’or
Luit
Sous la glace du salon
Et sous la langue
Elles fondent
Piquent
Je m’en vais retrouver
Celles et ceux qui les mordaient
Sans savoir
Que c’était la dernière fois
24.04.2024
Elle trône
Fièrement décatie
Comme une vieille dame
Au croisement de deux rivières
Ses volets ridés
Sont encore verts
Et les balcons penchent comme s'ils cherchaient à voir
L'oiseau caché sous le pommier
Le renard assoupi
Entre la tôle, l'enclume, les outils
Elle a faim, elle a froid la maison
On a retiré de son ventre
Les souvenirs fichés aux murs
Derrière les portes
Sous le carrelage
Entre les rideaux
Elle résonne de vie
Mais elle est pleine de vos fantômes
Assis sur le bahut
Les visage dans la dentelle
Vous devisez au balcon
Escaladez jusqu'au galetas
Riez dans l'atelier
Alors la maison sourit
Elle vous a vus, vous a sentis
Et cela suffit
A la réchauffer
03.02.2024
Est-ce la brouette que j’aime pousser, ou l’image de moi en train de la pousser ?
15.10.2023
J’écarte les brindilles, les lianes mortes qui tapissent le font de mon ventre. Je suis perdue dans les crissements et l’humus, ici battent des pouls semblables au mien et pourtant, si différents. Je traverse ces fourrés de moi-même et je ne m’y trouve pas. Où suis-je passée ? Il y a du roux, de l’ivoire, du cendré, du bleu marine et du très noir, mais rien ne forme un ensemble cohérent. Je me froisse, m’allonge et me déplie… Tout est sans dessus-dessous. Il y a des voix, des souffles, murmures de feuilles connues que j’aimerais entendre encore. L’automne en moi cherche le printemps des amitiés, mais ne perçoit que des odeurs teintées de négligence. Pourquoi la nostalgie chante-t-elle si juste parmi les arbres ?
21.01.2023
La nuit me coule dessus
Elle rend possible ces visions
Un homme assis
Blafard
Sous une enseigne de Poissonnerie
Des arrêtes de néons
Les bistrots indiens, turques
Où le vin stagne dans les verres
Les paupières qui glissent
Les bouches qui se cousent
Il est temps de rentrer mais
Je ne veux pas
J’ai décidé
Qu’il n’est pas encore l’heure
De craindre.
24.12.2022
J’ai les rues obscures pour moi
Rien que pour moi
Et les travailleurs du froid.
Ils tirent lourdement leurs poubelles
Extirpées du ventre d’un camion
Une tache de lumière chaude
Sur laquelle se découpe une silhouette
Ce soir, que mangera-t-il ?
Je vois le ballet réduit des voitures
Sous les guirlandes agrippées au ciel
Je sens le pain en fin de cuisson
Dont les vapeurs feront sans doute
Vrombir l’estomac
De cet homme au large bonnet enfoncé
Qui pousse des chariots de bouteilles
Ce soir, que chantera-t-il ?
Ce sont des visages que je discerne
Mais ne vois pas
Et pourtant, je les regarde
La nuit n’a pas encore retiré sa prise
Mais le froid, oui
Comme un petit présent
Si insignifiant et pourtant si tangible
Ce soir, que diront-ils ?
Dans quelques heures ils seront
Tous à d’autres ouvrages
Et dans ces mêmes rues
Où s’inscrit le silence de leurs pas
D’autres s’empresseront de passer
Comme moi
30.03 2019
Devant le fourgon blanc
Sous la tonnelle, elle frissonne
Bas noirs, chaussures à talon et doudoune d’argent
Comme ses mèches tirées, recourbées en chignon
Une cascade métallique
Son visage mat sourit.
Sur les tables, les montres scintillent
Et les violons se taisent
Derrière le fourgon blanc
Il promène sa graisse et son chien
Avec une nonchalance fière
Eternelles lunettes de soleil, chapeau à larges bords
Les traits las, la peau burinée
Il engueule l’animal dans sa langue
L’attente, la négoce, l’expertise
Chaque samedi cette mélodie
Devant, derrière le fourgon
Se jouent les prix
Dont, peut-être, celui de la liberté.